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Pegasus : après le scandale, va-t-on enfin réguler les technologies de cybersurveillance ?

Cette affaire tentaculaire a suscité de nombreuses réactions et relance le débat sur un nécessaire encadrement de ces outils.

Depuis une semaine, les révélations de l’organisation Forbidden Stories ont énormément fait réagir. Pour rappel, 80 journalistes appartenant aux rédactions telles que Le Monde, The Guardian, ou le Washington Post et 14 autres médias ont enquêté sur le logiciel Pegasus commercialisé par la société israélienne NSO Group à des États et à des agences gouvernementales. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette technologie ne servait pas qu’à surveiller des terroristes et des criminels potentiels.

Une liste de 50 000 numéros de téléphone espionnés depuis 2016 a en effet été retrouvée. Le travail des rédactions a permis d’y confirmer la présence de journalistes, des militants d’ONG opposés à certains régimes politiques, ou encore des personnalités politiques de premier plan. En France, un millier de smartphones sont concernés par cet espionnage d’envergure, parmi lesquels ceux du directeur de Mediapart, Edwy Plenel, et d’une de ses journalistes, Lénaïg Bredoux.

« Une crise des droits humains mondiale »

Les noms du président de la République Emmanuel Macron, mais aussi celui de l’ancien premier ministre Édouard Phillipe, et 14 ministres, sont aussi évoqués parmi les personnes qui auraient été espionnées par le biais de leur téléphone. Du côté de l’Élysée, on a estimé que « si les faits sont avérés, ils sont évidemment très graves. Toute la lumière sera faite sur ces révélations ». Un conseil de défense dédié a été organisé jeudi dernier.

Amnesty International, qui a participé à cette enquête, a parlé de « crise des droits humains mondiale ». L’ONG demande donc un moratoire sur la vente et l’utilisation des technologies de surveillance avant qu’un cadre réglementaire ne soit déployé. Citée par Ouest-France, l’organisation estime en effet que NSO n’est « qu’une entreprise parmi d’autres. Il s’agit d’un secteur dangereux qui opère depuis trop longtemps à la limite de la légalité ».

Amnesty International semble néanmoins optimiste et pense que le fait que de hauts responsables politiques aient été touchés pourrait faire changer les choses :

 Si des dirigeants de la planète sont ainsi pris pour cible, cela confirme davantage encore que les droits de toutes les personnes, notamment ceux des militant·e·s des droits humains, des journalistes et des avocat·e·s, sont en danger.

De fait, l’ampleur du scandale Pegasus permet de lever le voile sur la très profitable industrie des « armes numériques ». Mediapart est justement revenu sur le sujet dans un article d’analyse très complet. On y apprend au passage que la société NSO n’est que « la partie émergée d’un iceberg gigantesque ». Israël compte notamment un vaste écosystème de startups spécialisées dans ce domaine d’activité.

Cela dit, l’Europe ne serait pas en reste. On retrouverait ce type de sociétés en Allemagne, au Royaume-Uni, ou encore en France, ce qui pourrait expliquer le cadre réglementaire très modeste entourant ces technologies pourtant très dangereuses.

Les solutions existent mais la volonté politique ne suit pas

Comme l’expliquent nos confrères de Mediapart, chaque État est libre d’autoriser ou non l’exportation de ces outils vers un autre pays. Un dispositif d’encadrement international existe bel et bien : l’Arrangement de Wassenaar. Il reste néanmoins assez limité dans sa portée et n’exige qu’une obligation d’information des exportations.

Alors que les ONG réclament depuis des années une législation plus contraignante, les États font la sourde oreille. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont même planché sous l’égide de l’ONU pour dégager 13 principes de régulation afin de demander aux gouvernants de punir « la surveillance des communications illégales, que les acteurs soient publics ou privés ».

En clair, les solutions existent bel et bien mais le volontarisme politique manque quant à lui à l’appel. Reste à voir si le scandale Pegasus, qui pourrait encore nous révéler de nouvelles surprises, est suffisant pour faire bouger les lignes.

D’ailleurs, Mediapart rappelle qu’une nouvelle opportunité d’action se profile. Un rapport « sur la fourniture de produits et services militaires et de sécurité dans le cyber-espace par les cyber-mercenaires et son impact sur les droits humains » sera présenté en octobre prochain lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies.

À cette occasion, Michelle Bachelet, l’ancienne présidente du Chili devenue Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, espère que les gouvernements prendront des actions concrètes sur le sujet et cesseront de faire usage de ces technologies de surveillance « d’une manière qui viole les droits humains ».

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1 commentaire
1 commentaire
  1. Scandale quand ça vise les journalistes mais quand ces derniers s’immiscent partout, violant le principe de confidentialité c’est la liberté d’informer.. Liberté toutefois restreinte quand on veut s’exprimer sur leurs sites soitbdisant d’information…

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